L'association Kokopelli commercialise des semences potagères de variétés anciennes.
Bientôt, il faudra dire "commercialisait".
Il faut savoir que les semenciers ont réussi à obtenir des pouvoirs publics français et européens la création d'un "catalogue" répertoriant les variétés légumières. Toute semence d'une variété ne figurant pas ce catalogue est interdite à la vente. Votre grand-père cultivait les tomates ou les haricots que son propre grand-père cultivait déjà. Vous voulez en semer dans votre bout de jardin? Si ils ne sont pas "inscrits", tant pis pour vous! Vous n'en trouverez plus. Et si quelqu'un avait l'idée de vous en fournir, il risquerait de devoir s'en expliquer devant un juge.
Vous voulez jouer à Candide et "cultiver votre jardin" selon votre bon plaisir, collectionner des variétés de salades ou de pommes de terre, manger les mêmes choux que vos ancêtres, vous voulez vous amuser? C'est interdit! Vietato! Streng verboten!
Un semencier (Baumaux à qui désormais vous n'êtes pas obligé d'acheter les graines que vous voulez semer) qui vise la même clientèle que l'association Kokopelli a traîné l'association devant le tribunal de Grande Instance de Nancy. Kokopelli a été condamné à une amende et à cesser de vendre ses semences.
C'est remonté jusqu'à l'Union Européenne et à sa Cour de Justice de Luxembourg qui devait statuer sur la validité de la directive interdisant la commercialisation de certaines variétés légumières.
Cour de Justice de l'Union Européenne! Tout est dit! La directive est valide!
Et ce malgré les conclusions de l'avocat général qui considérait que "l’interdiction de commercialiser des semences de variétés non admises est disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis par la législation européenne" et que "cette interdiction comporte de « sérieux inconvénients », au regard de la liberté d’entreprise, des consommateurs de produits agricoles et de la biodiversité dans l’agriculture".
Vous me direz: "Il reste la cour d'appel de Nancy". Mais j'ai comme un doute.
Car déjà, les semenciers triomphent! L'ESA, l'organisation représentant les semenciers européens qui fait la loi à Bruxelles et la font appliquer à Luxembourg, s'est dite "très satisfaite". Ce jugement arrive "à un moment très important", car "la Commission avait besoin de cette confirmation légale de la Cour pour finaliser sa proposition révisant la législation européenne sur la commercialisation des semences". Traduction: ils ne vont pas s'arrêter là. Ils auraient tort de se gêner!
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