La campagne est lancée. Les équipes de campagne aiguisent leurs stratégies (à propos, comment gagneront-ils leur beefsteak jusqu'aux présidentielles?).
Et pourquoi phosphorent-ils comme des fabricants de réveils lumineux?
Parce qu'ils épluchent les sondages, les think tanks des principaux candidats!
Et là, que constatent-ils?
Que Marine Le Pen est la mieux placée pour rafler les voix des "classes populaires".
Et que ça ne lui ferait pas loin de 20% des voix.
Eux, ils avaient fait leurs comptes: les ouvriers, les employés, les petits paysan, les peigne-cul et les pue-la-sueur ne sont plus assez nombreux pour qu'on tienne compte de leurs votes, croyaient-ils. De toutes façons, les voix de ceux qui votent encore se répartiront entre les différents candidats. Inutile d'essayer de grappiller quelques dizièmes de points. Ça coûte trop cher pour ce que ça rapporte. Laissons ça à Mélenchon qui croyait (le naïf!) avoit racheté la clientèle du PC.
On fait l'impasse, avaient dit les conseillers (ceux qui ne sont pas les payeurs mais les payés).
Aussi, droite, gauche et centre avaient décidé (et que le meilleur gagne!) de se partager les "classes impopulaires", celles dont on entend rarement du bien, les chefs d'entreprise délocaliseurs, les syndicalistes qui vous font marcher à pied, les banquiers à recapitaliser, les chasseurs à joues rouges, les bobos qui lisent Libé en attendant leur môme au volant de leur 4X4 garé sur le trottoir, les agro-alimentaires qui font dans le concentrationnaire de poules et de cochons, les immigrationnistes diversophiles, les opérateurs téléphoniques et leurs anesthésistes, les fonctionnaires qui manquent de moyens, les Michel-Edouard Leclerc, les fanatiques modérés, les traders à bonus de crise, les vieux cons "que c'était mieux avant", les libertaires de la presse docile, les flashés avec un gramme dans le sang, les associatifs subventionnés, les bistrotiers modérateurs de débats, les animateurs de rue, les cultureux analphabètes, les adversaires des éoliennes, les cocaïnomanes des beaux quartiers, les républicains qui marchent jusqu'à la Nation, les anti-racistes sélectifs, les curés eucuméniques, les supporters du Qatar, les francs-maçons quinquagénaires, les retraités qui font des croisières, les petits vieux qui ne comprennent rien à l'informatique etc etc etc.
Vous voyez ce que je veux dire. Tout ça, ça fait du monde et les classe populaires, se sont-ils dit, c'est peanuts à côté de la masse de "Françaises, Français, mes chers compatriotes".
Erreur! C'était oublier que le chômage, l'inquiétude quant à l'avenir, la dégradation des services public, la précarité ont fait redescendre de quelques étages ceux qui croyaient que l'ascenseur social était à sens unique.
Avec 20% des voix à la Marine,il fallait réagir.
Et ils ont réagi!
D'un seul coup, ces aristos se sont mis à aimer le peuple. Fini de caresser les entrepreneurs et les classes moyennes dans le sens du poil, de promettre des postes dans la fonction publique, des privilèges aux syndicats ou des allègements de charges patronales; maintenant on se penche sur la "France d'en Bas" (expression méprisante qui aurait dû définitivement disqualifier celui qui l'a inventée).
Ils se préoccupent soudain, comme l'a dit Bayrou et comme le pensent les autres, des "petits, des obscurs, des sans-grades".
Pour un peu ils prêcheraient la Révolution.
Et si ça ne suffit pas, ils iront jusqu'au bout: ils retireront leur cravate pour passer à la télé!