Moi qui me réjouissais d'assister à une nouvelle campagne électorale, prêt à profiter du spectacle, à ricaner de tous ces gens qui découvrent depuis quelques semaines qu'ils m'aiment d'amour, qui affirment qu'ils sont proches de moi, qu'ils partagent mes préoccupations, qu'ils ne veulent que mon bonheur, qui viennent au bout de quelques décennies de trouver enfin ce qu'il faudra faire pour que la France redevienne ce pays décrit dans mon livre de lecture du temps où j'étais en culottes courtes ou (pour les plus jeunes), ce pays qu'on voit derrière l'affiche de Tonton, version 1981, qui s'envoient des insultes, qui protestent de leurs goûts simples, qui proclament leurs compétences, qui ont une idée par jour alors que celles qu'ils ont eues ces dernières années se comptent sur les doigts d'une main, qui visitent plus d'usines et d'étables que je n'ai vu de musées, qui promettent la lune, qui veulent nous faire croire que -contrairement à Julio Iglesias- ils ont changé,
mais moi qui me passionne pour la politique parce que je crois qu'il faut se mêler de ses propres affaires, qui crois que la démocratie est un idéal à atteindre et un acquis à sauvegarder, qui estime que la laïcité est inséparable de cette démocratie, qui prise plus le progrès de la civilisation que la civilisation du progrès, qui refuse de confondre suffrage universel et démocratie,
je suis déçu.
Certes, au début, j'ai rigolé du spectacle pitoyable donné par certains candidats, des nez qui auraient dû s'allonger au risque de sortir de l'écran de ma télé, de l'ambition dévorante qui transparaissait sous les sourires modestes et les protestations de désintéressement, des "équipes" de campagne qui rêvaient de maroquin et surtout du niveau affligeant de cette campagne plus démagogique qu'électorale;
mais ça ne me fait plus rire.
Je sature.
Je suis plus que rassasié.
J'ai le coeur au bord des lèvres.
Je crois que je vais vomir.
Encore deux mois à tenir.