Angela Merkel veut interdire la vente à découvert des emprunts d'état de la zone euro et des titres de certains établissements financiers jusqu'au 31 mars 2011. Christine Lagarde refuse de la suivre. L'une prétend moraliser la finance, l'autre ne veut pas pas perturber le marché. D'où polémique et interrogations sur la solidité du "couple franco-allemand". Polémiques et interrogations qui font oublier l'essentiel.
Car enfin, qu'est-ce que la vente à découvert? Pour ceux qui auraient séché les cours d'économie, on va faire très simple: c'est un pari.
Le vendeur parie que tel titre va baisser contre un acheteur qui, lui, estime que le même titre va monter.
Monsieur Dupont vend à 10 euros l'unité, (c'est un exemple) un paquet de titres qu'il ne possède pas en promettant de les livrer à Monsieur Durand dans un mois (c'est aussi un exemple).
Un mois plus tard, pour les livrer, il doit d'abord les acheter.
Si les titres ne valent plus que 9 euros (la croissance n'est pas au rendez-vous, les déficits se creusent), il les achète à ce prix et se les fait payer 10 euros comme convenu. Bénéfice: un euro par titre sans avoir déboursé un kopeck.
Si les titres sont montés jusqu'à 11 euros, il doit les acheter à ce prix et ne peut se les faire payer que 10 euros. Perte: un euro par titre que Monsieur Durand empoche.
Il y a un gagnant et un perdant. Mais ceux qui ne jouent pas ne perdent rien.
"Alors, pourquoi interdire ce genre de spéculation?", demandez-vous.
Parce que ce qu'on veut interdire c'est la vente. Pas l'achat. Actuellement, en effet, la majorité des opérateurs pense que le marché va baisser et sont prêts à parier dessus en vendant à découvert.
"Mais pour vendre, il faut des acheteurs", me rétorquez-vous. "Si on ne trouve personne pour faire le pari contraire, il n'y a pas de vente. Il n'y a pas de quoi s'affoler".
Vous avez mis le doigt sur le point important. Suivez-moi bien.
Si Monsieur Dupont ne trouve pas d'acheteur à 10 euros, il baissera son prix: 9,50 euros, puis 9 puis 8 etc, jusqu'au moment où un acheteur acceptera de parier contre lui. C'est la loi de l'offre et de la demande. Résultat: le prix du titre en question a baissé. et comme c'est un titre souverain de la zone euro, l'euro baisse aussi.
Pour éviter que le titre ne baisse trop, les états ou les banques en rachètent quelques brouettes (ce que vient de faire la BCE) et les paient en bon euros. La contrepartie de ces euros est dans leurs coffres sous la forme des titres qu'ils viennent d'acheter. Mais comme la valeur des titres diminue, les euros qui ont été mis en circulation en échange se déprécient d'autant. Et l'euro baisse. Moins vite que si on n'avait rien fait mais il baisse quand même.
Ce que savent bien Christine et Angela. Toutes deux font donc un pari sur la santé de l'euro et de l'économie européenne.
La première pense qu'en autorisant la vente à découvert, la baisse sera progressive et qu'à la longue, après des hauts et des bas, l'euro se stabilisera à un niveau acceptable. Si elle se trompe, l'euro sera de fait dévalué mais en douceur.
La seconde estime que d'ici le 31 mars 2011, on aura rétabli les finances européennes, que l'euro aura retrouvé un semblant de santé et qu'il sera un peu moins intéressant pour les spéculateur de parier sur sa baisse. Si elle se trompe, le krach aura lieu le 1er avril 2011.
Je ne pense pas qu'il y en ait une qui imagine que l'euro va monter et que les titres souverains seront une bonne affaire.
Bon courage à tous et gardez le moral!