Les nouvelles qu'on nous donne, ce qu'on peut en faire et en penser sans laisser passer une occasion de ricaner. Et la vie quotidienne, ses hauts et ses bas. Pas vraiment politiquement correct et rarement consensuel.
La Saint-Valentin et sa pression médiatique dégoulinante (il n'y a pas un JT qui ne nous ait pas bassinés sur cette fête de l'amour qui, depuis la mode de "l'épilation du maillot", ne rime plus avec "poil autour") nous ont incités à acheter des roses rouges.
Les fleuristes, les grossistes, les importateurs et les industriels de la fleur coupée se sont fait des couilles en or. A cinq euros la rose (et plus si affinités), le pognon a coulé à flots.
Bravo, les gars. Belle campagne de communication! Parfaitement orchestrée!
A tel point que -certainement pour ne pas "gâcher la fête"- aucun journaliste ne n'a eu le mauvais goût de nous dire d'où provenaient ces roses, comment et par qui elle étaient produites. Pourtant, c'était là un sujet en or pour Jean-Pierre Pernaud et ses émules.
Il va donc falloir que je m'y colle.
Les roses ne fleurissent pas au mois de février, c'est pourquoi la plupart des roses vendues en Europe (70%) proviennent des roseraies industrielles du Kenya. Le climat et l'ensoleillement y sont favorables à la floriculture. Hélas! le Kenya est un pays sec où l'eau est rare pour les bêtes comme pour les cultures vivrières. Or, il faut de l'eau, beaucoup d'eau pour faire pousser les roses.
Heureusement pour les amoureux, il y a des lacs au Kenya. Les abords du lac Naivasha se sont donc couverts de roseraies. Car c'est sur ses bords que se sont installées les trois quarts des exploitations de roses kenyanes, d’immenses fermes industrielles qui pompent sans la moindre restriction les réserves du lac au point qu'on prévoit que dans moins de dix ans "le lac ne sera plus qu’un étang boueux malodorant, avec des communautés humaines appauvries vivant difficilement sur ses rives dénudées".
Mais cette médaille n'a pas qu'un seul revers, cette omelette casse plus d'oeufs que de raison: on ne fleurit pas bobonne sans faire crever quelques africains. L’usage massif de pesticides et autres engrais par les cultivateurs empoisonne les eaux du lac, son eau et par conséquent la faune, la flore ainsi que les habitants. "Ce n’est plus qu’une question de temps pour que ce lac devienne toxique", avertit un universitaire britannique qui s'est penché sur la question.
Cerise sur le gâteau ou plutôt mouche verte sur cet étron: les Kenyans qui travaillent dans ces roseraies gagnent entre un et deux dollars par jour.
C'est sans doute pour cacher ce scandale que les roses kenyanes sont expédiées à la bourse aux fleurs d'Amsterdam par avion (bonjour le CO2!) où elle reçoivent l'étiquette "Origine Pays-Bas". Pour éviter que les amoureux aient honte, sans doute.
(source:LeMonde.fr)