Démocrates échaudés

Les opinions occidentales se sont enthousiasmées pour la révolution de jasmin. Avec un temps de retard, les gouvernements ont suivi. Un soutien qui ne leur coûtait pas cher. Et qu'est-ce que le peuple était content!

Quand le printemps a atteint l'Egypte, les puissances occidentales étaient prêtes et ont vigoureusement applaudi en trouvant tous les défauts au dictateur qui était pourtant leur ami depuis de longues années.

Encouragés par le succès de leurs voisins, les Libyens s'y sont mis eux aussi. Et celui qui plantait sa tente dans les jardins de la République devint d'un seul coup un tyran sanguinaire qui "tirait sur son peuple avec des armes lourdes". (je signale au passage que les armes qui ont fait le plus de morts ces dernières années sont les "armes légères", la médaille d'or revenant à la machette et au gourdin).

Le potentat tunisien était tombé sans qu'on s'en mêle. L'égyptien avait résisté un temps aux pressions. Le libyen semblait plus difficile à convaincre d'autant plus qu'il avait le culot d'utiliser les armes qu'on lui avait vendues. Mais on s'est dit qu'en lui faisant les gros yeux et en mettant des fleurs à nos fusils, nous le chasserions du pouvoir sans problème pour installer à sa place ses opposants, des gens qu'on s'est peut-être un peu trop pressés de reconnaître en leur collant une étiquette de démocrates.

Damned! On s'enlise en Cyrénaïque et on bute sur la Tripolitaine. Ce qui devait être réglé en quelques heures ou en quelques jours risque de ne pas l'être en quelques semaines.

Re-damned! Il y a de quoi devenir prudent.

C'est pourquoi lorsque la tache d'huile prend des allures de traînée de poudre à canon et qu'elle atteint, la Jordanie, le Yemen et la Syrie (pour l'Algérie et le Maroc, on est prié de patienter), on s'empresse de regarder ailleurs. D'autant plus qu'aux aspirations à la liberté se mêlent des considérations politico-religieuses, que l'Iran chiite n'est pas loin, qu'Israël est au milieu de tout ça et que les monarchies sunnites du Golfe aimeraient bien garder leur pouvoir.

Alors, on se tâte. "J'y vas-t-y, j'y vas-t-y pas?" semble le mot d'ordre de cette communauté internationale "que le monde entier nous envie".

Mais quand c'est à Bahrein que ça bouge, alors là, on n'y va pas du tout. Et même on ne dit rien. Il faut dire que l'Arabie saoudite y a envoyé son armée et que l'Arabie, son pétrole et sa Mecque, c'est sacré.

Car on ne veut pas de nouveaux problèmes avec les arabes (on en a déjà assez comme ça) et on veut continuer à mettre de l'essence dans nos bagnoles.

Et le PDG de Total a été clair: le super à deux euros, c'est pour bientôt.

C'est ce qu'ont seulement retenu les médias et c'est ce qui a inquiété le petit peuple.

Disons, que dans le courrier, c'était l'enveloppe.

Mais les médias ont sucré la partie de son laïus dans laquelle, Christophe de Margerie alertait sur le fait qu'une instabilité ou des problèmes en Arabie saoudite rapprocheraient cette horrible échéance. Pourtant, c'est ça qui était intéressant.

A l'intérieur de l'enveloppe, c'était le message que le roi d'Arabie l'a sans doute prié de transmettre à qui de droit.

Message bien reçu par les gouvernements des démocraties qui semblent du coup beaucoup moins démocrates.

Et bonjour chez vous!