L'écureuil fait scandale! On s'indigne et il y a de quoi: six cent quarante millions de ces euros qui, distribués à des pauvres, en auraient, pour un temps, hissé quelques millions au-dessus du seuil de pauvreté.
Quand on a fini de s'indigner, on ricane: "Pas un pour racheter l'autre! Des pourris qui donnent des ordres à des imbéciles! Les Pieds Nickelés n'auraient pas fait mieux mais eux, au moins, nous auraient fait rire!".
Et puis on écoute nos grands chefs: "Réunions d'urgence du Directoire! Cellule de crise! Sanctions! Démissions acceptées!" (dans ce milieu on "accepte votre démission" on ne vous fout pas dehors à coups de pieds au cul).
Et quand on s'est bien défoulé, on passe à autre chose. Et des autres choses, il y en a. Donc on passe et on a tort.
On devrait réfléchir un peu. Et si tout ce battage était destiné à détourner notre attention de l'essentiel?
Car la Caisse d'Epargne n'est pas une banque, quoi qu'on essaie de nous faire croire. C'est l'équivalent de la lessiveuse de nos grands-mères en un peu plus élaboré.
"La Caisse d'Epargne, c'est du solide", nous disait-on. "Nous on ne spécule pas sur le marché financier. Votre argent y est en sûreté; ça ne rapporte pas grand chose, certes, mais c'est garanti. Et en plus vous faites une bonne oeuvre: les dépôts servent à financer la construction de logements sociaux".
Et donc le bon peuple croyait que c'était vrai. Et au fond de lui, quand il y pensait (pas souvent, d'accord, mais quelquefois quand même), il se sentait une âme de philanthrope, genre abbé Pierre ou presque.
Au lieu de ça, on apprend que les sous des petites gens qui devaient servir à loger décemment d'aussi pauvres qu'eux, valsaient entre les mains "d'une petite équipe de gestion pour compte propre". Voilà. Vous n'avez pas tout compris mais c'est présenté comme une explication et même comme le début d'une excuse, alors vous avalez ça en vous permettant à peine un petit sourire en coin.
Mais cette "petite équipe", c'était une équipe de traders qui bossaient officiellement à la Caisse d'Epargne et qui jouaient votre pognon sur le marché financier en contradiction formelle avec tout ce qu'on vous a dit pendant des années. Des traders à la Caisse d'Epargne! Pourquoi pas une sous-maîtresse chez les Carmélites! Hé bien oui!
Et pour perdre plus de six cents millions, il faut en jouer beaucoup plus. Combien? Plusieurs milliard à vue de nez.
Leur direction n'était pas au courant, croyez-vous. Et ceux avec qui ils prenaient leurs paris, ils ne savaient pas que c'était l'Ecureuil qu'ils avaient au bout du fil? Et la commission de contrôle bancaire, elle ignorait qu'il y avait des traders chez le stockeur de vos noisettes? Et Madame la Garde des Sous?
Faites-vous une raison. On s'est somptueusement payé votre tête et ça fait longtemps que ça dure. Et je suis prêt à parier que ce n'est pas près de s'arrêter. Il vous suffit pour en être persuadé de regarder la télé.
Si vous retirez vos sous de ce tonneau des Danaïdes pour acheter une lessiveuse, choisissez une bonne marque et ne vous fiez pas au baratin du vendeur.