Ce matin, ma radio a remis sur le tapis ces fameuses "minorités visibles" que -selon certains- on ne voit pas assez à la télé et même les "minorités visibles originaires de l'extérieur de la communauté européenne". Pour qu'on comprenne bien qu'il ne s'agit pas de Belges en costume national, sans doute. Car eux, dès qu'ils se mettent en complet-veston, ils deviennent "invisibles". En revanche, dès qu'ils se mettent à parler, ils deviennent "audibles". Comme les Suisses qui ne font pas partie de L'Union Européenne mais ne sont pas pour autant "visibles". En revanche, un Français originaire des DOM qu'on pourrait trouver "visible" à première vue le serait-il vraiment car citoyen de la communauté européenne?
Il faut que ça change, nous assure-t-on, et une commission (à moins que ce soit une haute autorité, une agence ou un observatoire) s'y emploie. Et les "associations" sont vigilantes en particulier celle dont le porte-parole est interrogé pour illustrer cette affirmation (quoique le nom de son association laisse supposer que ses préoccupations ne concernent qu'un seul type de "visibilité").
Tout ça éveille en moi une foule de questions. Tranquillisez-vous, je resterai sur le chemin balisé de l'hypocrisie politiquement correcte pour les formuler et j'emploierai le langage convenu.
Qu'entend-on par "visibilité"? Je sens que vous avez répondu.
Passons à la suite. Y a-t-il des degrés dans la "visibilité"? Je vous remercie de votre réponse que j'entends d'ici.
Quelqu'un dont les origines, proches ou lointaines, ne seraient pas africaines (un Cambodgien ou un Chinois par exemple) entre-t-il dans les critères de "visibilité" qui lui ouvriraient les portes du petit écran? Le désire-t-il? Je note au passage que la radio, on s'en fout et c'est bien normal.
Pour assurer cette "visibilité" de manière équitable, sera-t-il nécessaire d'établir des quotas en fonction des diverses "visibilités" présentes sur notre territoire (et du nombre de leurs représentants) et, à l'intérieur de chacune, selon le degré de "visibilité"?
On voit que le problème est complexe.
Mais il a déjà été résolu à la radio pour les minorités "audibles", radio où officient des bafouilleurs, des dames qui ont sur la langue autre chose qu'un cheveu, des animateurs qui ont avec la langue française des rapports que je qualifierais de distendus, certains qui ne savent pas lire le papier qu'ils ont sous les yeux, des artistes de la liaison mal-t-à-propos, des virtuoses qui réussissent à faire des fautes d'orthographe en parlant, des cuistres professionnels et péremptoires que leur inculture ne rend pas muets sur les sujets dont ils ignorent tout. Tous ces gens sont parfaitement intégrés et personne parmi leurs collègues n'a le mauvais goût de leur faire des observations. Ce qui pourrait être perçu comme une forme de discrimination.
Je reste donc optimiste. Si on a réussi à la radio, pour les minorités "audibles", il n'y a pas de raison qu'on échoue à la télé pour les minorités "visibles" dont certains représentants -encore peu nombreux, certes- nous offrent tous les jours les preuves de leurs compétences.