Cet article est écrit en trop petits caractères, il est trop long, il n'est pas rigolo. Tant pis!
Aujourd'hui 7 décembre, c'est le jour proposé par Eric Cantona pour que nous retirions notre argent de la banque afin que "le système s'écroule".
Il est étonnant de voir la levée de boucliers qu'a suscitée contre elle l'idée -évidemment provocatrice, quoique ...- d'Eric Cantona. Il est aussi étonnant de constater que les arguments qu'on lui oppose sont souvent contradictoires et que ceux qui les avancent tendent le dos pour se faire battre.
Le système bancaire et financier repose en effet sur une fiction qui, tant qu'elle est acceptée, ne met pas en cause sa solidité.
Quelle est cette fiction? C'est celle de la "liquidité" des sommes que les particuliers possèdent sur leur compte. Celui-ci est une version plus élaborée, plus pratique et plus sûre de la tirelire des enfants ou des billets qu'on a placés sous la pile de draps. Mais cela suppose aussi que cet argent, confié à la garde du banquier, est immédiatement disponible, autant que celui qui est dans tirelire ou sous la pile de draps.
C'est vrai tant que cet argent reste dans ses coffres ou dans ses livres. Ce serait vrai car, en réalité, cet argent, le banquier ne le conserve pas à la disposition des déposants, il le fait "travailler" en partant du principe que, puisque tout le monde ne retire pas son argent, ne tire des chèques ou n'utilise sa carte bancaire au même moment, les rentrées des uns compenseront les dépenses des autres. Le banquier prête votre argent aux entreprise qui veulent s'équiper, aux ménages qui veulent acquérir un logement ou aux particuliers qui veulent changer de voiture. Certes, il a des "fonds propres", de l'argent qui lui appartient et qui sert à amortir les fluctuations de la somme globale de ses dépôts mais surtout à garantir sa solvabilité si, pour une raison ou pour une autre, beaucoup de ses clients se précipitaient en même temps devant ses guichets pour retirer l'argent qu'ils lui ont confié. Beaucoup mais pas trop.
"Confié". Joli mot. Les clients des banques leur ont fait confiance. Et la crise récente (et actuelle, car ce n'est pas fini!) a prouvé que cette confiance était mal placée. Les banques ont non seulement prêté au-delà du raisonnable (les sub-primes, par exemple) et, plus grave encore, spéculé (mot poli pour dire parier) avec de l'argent qu'elle n'avaient déjà plus (leurs créances toxiques). Le système devenait instable contraint à ne pas interrompre la circulation de capitaux de plus en plus virtuels puisqu'ils ne correspondaient pas à des richesses réelles. Le moment est arrivé où cette fuite en avant les amenait au bord de la faillite.
Et ce sont les états qui ont dû les renflouer. Les états, c'est à dire les contribuables qui sont le plus souvent aussi les clients des banques.Le serpent se mord la queue, pire: il la dévore. Ça ne peut durer longtemps.
La fuite en avant s'est donc relancée. Les états ont soutenu les banques agonisantes en garantissant leurs créances toxiques. Ce sont donc maintenant les états qui sont fragilisés. Et ce sont leurs obligations qui se pourrissent. Il devient par conséquent nécessaire de soutenir les états. Voici la BCE qui achète à tour de bras ces obligations par tranches de cent millions d'euros en injectant des liquidités en échange. On n'a fait que déplacer le problème: c'est maintenant la monnaie européenne qui devient fragile. Outre-atlantique, on assiste au même phénomène.
Les "marchés" eux-mêmes restent sceptiques sur la pérennité du système car après avoir sauvé les banques du secteur privé, puis les banques centrales, on en arrive à essaye de sauver les états (Grèce, Irlande et bientôt le Portugal, l'Espagne?)
Dernière étape: sauver l'euro. S'il était si solide que ça, on n'aurait pas besoin de tenter de le sauver. Enverrait-on une bouée de sauvetage à quelqu'un qui prend un bain de pieds?
Il semble que le système bancaire et financier comme ceux qui le soutiennent et en profitent pour asseoir leur pouvoir (les partisans du libéralisme débridé) n'ont pas compris la leçon et que, malgré les promesses de réformes en profondeur, rien n'ait vraiment changé. Et surtout pas ceux qu'on trouve encore aux commandes de l'économie et qui ont pourtant fait la preuve sinon de leur malhonnêteté, au moins de leur incompétence: les banquiers qui spéculaient contre leurs propres clients (Goldman-Sachs) ou les ministres des Finances (ohé! Christine!) qui imperturbablement publient des prévisions toujours démenties par la réalité.
Arrive Eric Cantona qui met les pieds dans le plat en disant que si vingt millions de personnes vont en même temps retirer leur argent, le système s'écroule.
Haro sur Cantona! Ce qu'il propose est dérisoire et irresponsable, entend-on.
Dérisoire parce que, nous dit-on, il n'y connaît rien et que ce n'est pas la fermeture de quelques comptes de particuliers qui peut mettre sur le flanc notre système bancaire ("que le monde entier nous envie").
Irresponsable parce que, nous dit-on aussi, la fermeture des mêmes comptes porterait un coup fatal à l'économie.
Dérisoire ou irresponsable? Faudrait savoir!
Si on en juge par l'affollement qu'il a suscité, on peut se dire qu'il a mis le doigt là où ça fait mal à certains.
Tout se tient: Assange et son WikiLeaks comme Cantona et son appel ont touché au domaine réservé de ceux qui tiennent les états hors de portée de ceux qui se croient encore des citoyens et non pas des sujets.
Les rois sont nus!
Et bonjour chez vous.
Désolé! Je n'ai pas eu le temps de faire court.