Ceci est, bien sûr, la suite de Turlupins (1).
Les prêteurs ne prêtent que s'ils ont l'espoir d'être un jour remboursés avec un intérêt qui, d'une part, couvre le risque de faillite de l'emprunteur et, d'autre part, les consolera du fait de ne pouvoir, pendant la durée de l'emprunt, disposer pour leur usage personnel de l'argent qu'ils ont avancé.
En ce qui concerne les états dont le déficit se creuse, la capacité de faire face aux remboursements s'estime en fonction de deux possibilités:
- l'amélioration de la gestion des finances publiques.
- la création de nouvelles richesses.
Avec la crise actuelle, celle de la Grèce mais aussi celle de tous les pays de la zone euro dont le déficit commence à inquiéter (on parle déjà de l'Espagne, du Portugal, de l'Irlande; on parlera bientôt l'italie, de la Grande-Bretagne et de la France), l'amélioration de la gestion des finances publiques -la "réforme de l'Etat" comme on le dit pompeusement en hexagon vernaculaire- se heurte à l'opposition farouche des syndicats et des partis de gauche. Il suffit de prendre des nouvelles de ce qui se passe aujourd'hui à Athènes ou à Thessalonique pour s'en convaincre. Les plans de rigueur passent mal quand ils n'affectent pas les privilèges, ne réduisent pas les inégalités et épargnent aux responsables (aux coupables?) l'obligation de rendre des comptes.
Quant à la création de nouvelles richesses, c'est à dire la croissance, elle reste une hypothèse, un espoir, un horizon lointain que l'on atteindra peut-être un jour ... dès qu'on sera sorti de la crise! (rajoutez autant de points d'exclamation que la phrase précédente vous paraît nécessiter). Et pourtant, c'est cette croissance, plus que la rigueur qui donne de la valeur aux obligations d'état et autres titres d'emprunt.
Car, c'est là qu'on touche le fond du problème: la croissance n'est pas recherchée pour améliorer le niveau de vie des citoyens mais en réalité pour gager les emprunts et espérer les rembourser. En d'autres termes, il y a belle lurette qu'on n'emprunte plus pour investir et favoriser la croissance. On compte sur la croissance pour rembourser ses dettes. Au lieu de chercher à s'enrichir, les états en déficit font tous leurs efforts pour ne pas s'appauvrir, donc pour éviter que les agences de notation ne dégradent leur dette et que ceux qui ont dans leur portefeuille les titres toxiques émis par des pays sur-endettés ne cherchent à les vendre à n'importe quel prix.
En attendant, on continue à emprunter pour faire face aux échéances quand ce n'est pas pour payer les intérêts des emprunts précédents.
Heureusement nous sommes bien gouvernés: (arrêtez de ricaner!) et notre ministre des Finances vitupère contre les agences de notation (hou les vilaines!) qui sèment la panique sur les marchés (méchants spéculateurs!). Elle voit dans la création d'une agence de notation européenne la solution à tous ses problèmes. Agence "indépendante", bien entendu. Indépendante de qui? La garde des sous ne le dit pas. On peut se demander quelle serait la crédibilité d'une telle agence si elle était constituée de ceux qui, à Bruxelles, ont approuvé les comptes de la Grèce.
Heureusement aussi, la France sait gérer ses budgets: c'est le pays européen qui détient le plus de dette souveraine grecque et qui va en engranger encore avec sa participation au plan de sauvetage. Dans un article du Monde, d'hier, on apprend que l'Etat n'est pas le seul à faire de "bons placements". Nos banques françaises "que le monde entier nous enviait" quand la crise des subprimes a éclaté, savent flairer les bonnes affaires: "..., l'exposition du secteur bancaire français à la Grèce, toutes créances publiques et privées confondues, atteint plus de 59 milliards d'euros selon la Banque des règlements internationaux (BRI). Toujours dans le même article du Monde, on pouvait lire le paragraphe suivant: "Il y a trois semaines, confie un financier de Londres, plusieurs banques britanniques se sont vues proposer plusieurs centaines de millions d'euros de dette souveraine grecque, de la part d'une grande banque française, résolue à s'en débarrasser. D'autres tentatives de cessions ont été engagées, mais les acheteurs sont rares".
C'est sur des bases aussi fragiles, sur des dogmes aussi irréalistes, avec des politiciens aussi aveugles (preuves vivantes qu'on peut réussir dans ce métier en étant à la fois instruit et idiot à la seule condition d'être surdosé en testostérone) qu'on a fait l'Union Européenne et créé la monnaie commune.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire nous apprend enfin Le Monde: "Selon nos informations, pour éviter de mauvaises surprises, l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) viennent d'écrire à toutes les banques françaises, afin d'obtenir, dans des délais rapides, le montant de leur exposition aux dettes de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne et de l'Irlande". La France commence donc à s'inquiéter.
Ce qu'on ne sait pas, c'est si les homologues étrangers de l'ACP et de l'AMF n'ont pas posé à leurs banques la même question à propos de la dette souveraine française. A leur place, je n'hésiterais pas à me renseigner.
Des Turlupins, je vous dis! C'est là où je voulais en venir.