22 mai 2009
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Dans son article "Elections européennes: vers une nouvelle défaite citoyenne", Pierre prêche avec talent et conviction contre l'abstention qui risque, d'après les plus récents sondages, d'atteindre des sommets et ce aussi bien en France que dans beaucoup d'autres pays de l'Union. Je conseille donc à mes aimables lecteurs comme à mes douces lectrices d'aller lire son article avant de reprendre celui-ci. Pour juger un débat, ne faut-il pas entendre les deux parties?
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De retour? Alors, c'est parti!
L'abstention n'a pas de si mauvais côtés.
Il est vrai que si nous étions, comme il le dit, des "citoyens", l'abstention serait peut-être une défaite. Mais en France comme en Europe, ne sommes-nous pas devenus depuis quelque temps plutôt les "sujets" d'un pouvoir qui nous ignore quand il ne nous méprise pas ("casse-toi, pov'con!") que des citoyens de plein droit? N'est-ce pas plutôt par une abstention massive que nous pouvons, cette fois-ci, en refusant de participer à une compétition qui ne concerne réellement que ceux qui s'y affrontent, revendiquer la restitution de ce statut de citoyens dont nous avons été dépossédés?
Ne tombons pas dans l'ornière du "tous pourris" même si Pierre affecte de croire que c'est là que réside l'essentiel de la motivation des abstentionnistes. La consultation à laquelle on nous appelle va nous permettre de dire beaucoup plus que notre méfiance dans l'honnêteté ou la compétence des élus.
S'abstenir ne sera pas abandonner le terrain à qui voudra l'occuper. Ce terrain, le peuple en a déjà été exclu par cette politique qui est devenue "l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde". Si elle est importante, l'abstention sera la manifestation d'un véritable contre-pouvoir, ou plutôt d'un pouvoir "contre". Contre quoi? Contre la direction qu'ont prise l'Union en général et les états en particulier et qui nous a amenés à la crise que nous traversons, crise économique mais aussi politique où l'on voit les uns entretenir mollement les mécontentements et les autres s'accrocher à leurs privilèges.
Ce ne sera pas non plus laisser le champ libre aux lobbies. Les lobbies n'ont que faire de notre vote, nous ne sommes pas ceux qu'ils sollicitent ou corrompent. D'ailleurs, qui peut garantir qu'après les élections, les lobbies n'auront plus pignon sur rue à Bruxelles et leurs entrées au Parlement? Dans quel programme des partis institutionnels peut-on lire qu'ils seront interdits de séjour dans les coulisses du pouvoir? Ou même interdits tout court?
Si le citoyen avoue sa méconnaissance du fonctionnement de l'UE et s'il en tire argument pour refuser de donner ce qu'il perçoit comme un chèque en blanc, est-ce sa faute ou celle de ceux qui ont négligé de l'informer et de l'impliquer? Il semble qu'en moins d'un demi-siècle d'existence, l'idée européenne ait réussi à accumuler autant de strates de pouvoir, de privilèges et de dysfonctionnements que nos vieux pays en plusieurs siècles. Et on voudrait qu'en quelques jours on rattrape des années de retard en écoutant quelques beaux échantillons de langue de bois dans les meetings électoraux?
Voter est un droit et c'est aussi un devoir. Certes, mais ce droit est enserré dans des limites si étroites, si contraignantes et son exercice débouche sur un tel abandon de pouvoir qu'il n'est plus qu'un simulacre: celui de participer à un plébiscite dans lequel le vote signifie une approbation du système et l'abstention un refus. Dans ce cas, pour beaucoup, la meilleure façon d'exercer son droit c'est de refuser d'accomplir son devoir.
Bien sûr, il y a le vote-sanction, celui que Pierre appelle le vote "de travers". Et pour d'autres raisons que lui, je le considère comme néfaste. Sanction contre Barroso ou contre Sarkozy (QGLCDST!), il reste un vote qui, au mieux, ne pourra, en envoyant une poignée de députés à Strasbourg, que verser quelques grains de sable dans une machine qui est déjà grippée.
L'abstention a de bon côtés.
La poussée abstentionniste se renforce. Aux habituels pêcheurs à la ligne et à ceux qui par principe ne votent pas viennent s'ajouter ceux qui ont décidé de faire de leur abstention ou plutôt de leur non-vote l'expression de leur volonté d'être des citoyens à part entière et non des points de pourcentage pour soirée électorale.
Et ils ont des arguments. La plupart viennent d'être exposés. Mais il y a un autre, au moins aussi convaincant que les précédents: celui du mode de scrutin dans lequel les abstentionnistes voient la preuve sinon du mépris de l'électeur-citoyen (quoique beaucoup aillent jusque là), au moins du peu d'intérêt que les partis et les principaux candidats eux-mêmes attachent à son opinion puisque tout est fait pour que le résultat soit joué d'avance. Les partis et les candidats qui participent à la consultation sont complices de ce détournement de la démocratie.
Le scrutin de liste à un tour se déroulera dans de curieuses circonscriptions régionales découpées pour la circonstance. Sur les listes des partis de premier plan, des candidats inconnus, parachutés ou placardisés seront "en position éligible", sous-entendu: élus (on ne saurait mieux dire à l'électeur que son vote n'a aucune importance). Sur ces mêmes listes on a complété avec des candidats "en position non-éligible" (pourquoi se déplacer?). Le vote ne concernera vraiment qu'un tout petit nombre de "seconds couteaux", donc, de l'avis même des partis, des personnalités aux qualités moindres (soyons gentils) que ceux qui les précèdent.
Pour les soixante-douze sièges à pourvoir, il y a pléthore de listes. Même les têtes des listes des petites formations n'ont aucune chance d'étre élues. Et la probabilité est forte que les petits partis ne soient pas représentés du tout. Là encore on signifie clairement que seuls les candidats des partis institutionnels ont une chance d'obtenir un siège. Inutile aux partisans des autres formations de faire l'effort de mettre un bulletin dans l'urne. Autant le mettre tout de suite à la corbeille. Tout est fait pour que ça se passe entre gens du même monde.
La campagne est indigente et tardive, très tardive. On entend les mêmes discours qui, une fois décryptés, ne sont le plus souvent que des resucées de mots d'ordres nationaux. Certains candidats font quand même l'effort de mettre "européen" à la place de "français" mais sans véritable conviction. Pour le reste, des coups poussivement médiatiques, des drapeaux européens, des banderoles, des ballons, des T-shirts de couleurs variées (à porter sur la chemise), de bains dans le lac d'Annecy (pauvre Morin!), des après-midi champêtres ou des meetings de soutien à tous les grévistes (on a l'embarras du choix!). Et puis les éternelles phrases creuses qui ne mangent pas de pain.
L'abstention est donc le "vote utile".
C'est celui qui peut manifeste clairement que le citoyen veut avoir son mot à dire sur la construction européenne, sur son gouvernement et sa gestion. En refusant de participer à cette élection, il peut exiger que l'on organise une véritable consultation, qu'y soit posées de vraies questions et que les candidats y prennent de vrais engagements. Sur combien des sujets dont les politiques se glorifient, le citoyen a-t-il été consulté jusqu'à présent? Quant à ceux sur lesquels il s'est prononcé (le projet de traité constitutionnel en est l'exemple le plus connu), combien ont été menés à bien en tenant compte de son avis?
L'abstention et après?
Ne nous leurrons pas. Au soir des élections, les résultats afficheront les pourcentages obtenus par les différents partis qui se partageront le gâteau des 100% des suffrages exprimés et viendront crier victoire. Les blancs et les nuls seront cités pour mémoire. Le taux d'abstention sera le seul indicateur intéressant. Plus de cinquante pour cent? Près de soixante? Quelle représentativité aura un parti qui aura obtenu le "bon" score de vingt-cinq pour cent de cinquante pour cent soit douze et demi pour cent des inscrits?
On peut rêver. Oui, on peut rêver qu'un mouvement, un parti, une coordination se lève ou se crée pour exiger que soit pris en compte le message transmis par les abstentionnistes et que le monde politique tire les leçons de cette élection. Ce serait une première mais il faut bien commencer un jour.
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De retour? Alors, c'est parti!
L'abstention n'a pas de si mauvais côtés.
Il est vrai que si nous étions, comme il le dit, des "citoyens", l'abstention serait peut-être une défaite. Mais en France comme en Europe, ne sommes-nous pas devenus depuis quelque temps plutôt les "sujets" d'un pouvoir qui nous ignore quand il ne nous méprise pas ("casse-toi, pov'con!") que des citoyens de plein droit? N'est-ce pas plutôt par une abstention massive que nous pouvons, cette fois-ci, en refusant de participer à une compétition qui ne concerne réellement que ceux qui s'y affrontent, revendiquer la restitution de ce statut de citoyens dont nous avons été dépossédés?
Ne tombons pas dans l'ornière du "tous pourris" même si Pierre affecte de croire que c'est là que réside l'essentiel de la motivation des abstentionnistes. La consultation à laquelle on nous appelle va nous permettre de dire beaucoup plus que notre méfiance dans l'honnêteté ou la compétence des élus.
S'abstenir ne sera pas abandonner le terrain à qui voudra l'occuper. Ce terrain, le peuple en a déjà été exclu par cette politique qui est devenue "l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde". Si elle est importante, l'abstention sera la manifestation d'un véritable contre-pouvoir, ou plutôt d'un pouvoir "contre". Contre quoi? Contre la direction qu'ont prise l'Union en général et les états en particulier et qui nous a amenés à la crise que nous traversons, crise économique mais aussi politique où l'on voit les uns entretenir mollement les mécontentements et les autres s'accrocher à leurs privilèges.
Ce ne sera pas non plus laisser le champ libre aux lobbies. Les lobbies n'ont que faire de notre vote, nous ne sommes pas ceux qu'ils sollicitent ou corrompent. D'ailleurs, qui peut garantir qu'après les élections, les lobbies n'auront plus pignon sur rue à Bruxelles et leurs entrées au Parlement? Dans quel programme des partis institutionnels peut-on lire qu'ils seront interdits de séjour dans les coulisses du pouvoir? Ou même interdits tout court?
Si le citoyen avoue sa méconnaissance du fonctionnement de l'UE et s'il en tire argument pour refuser de donner ce qu'il perçoit comme un chèque en blanc, est-ce sa faute ou celle de ceux qui ont négligé de l'informer et de l'impliquer? Il semble qu'en moins d'un demi-siècle d'existence, l'idée européenne ait réussi à accumuler autant de strates de pouvoir, de privilèges et de dysfonctionnements que nos vieux pays en plusieurs siècles. Et on voudrait qu'en quelques jours on rattrape des années de retard en écoutant quelques beaux échantillons de langue de bois dans les meetings électoraux?
Voter est un droit et c'est aussi un devoir. Certes, mais ce droit est enserré dans des limites si étroites, si contraignantes et son exercice débouche sur un tel abandon de pouvoir qu'il n'est plus qu'un simulacre: celui de participer à un plébiscite dans lequel le vote signifie une approbation du système et l'abstention un refus. Dans ce cas, pour beaucoup, la meilleure façon d'exercer son droit c'est de refuser d'accomplir son devoir.
Bien sûr, il y a le vote-sanction, celui que Pierre appelle le vote "de travers". Et pour d'autres raisons que lui, je le considère comme néfaste. Sanction contre Barroso ou contre Sarkozy (QGLCDST!), il reste un vote qui, au mieux, ne pourra, en envoyant une poignée de députés à Strasbourg, que verser quelques grains de sable dans une machine qui est déjà grippée.
L'abstention a de bon côtés.
La poussée abstentionniste se renforce. Aux habituels pêcheurs à la ligne et à ceux qui par principe ne votent pas viennent s'ajouter ceux qui ont décidé de faire de leur abstention ou plutôt de leur non-vote l'expression de leur volonté d'être des citoyens à part entière et non des points de pourcentage pour soirée électorale.
Et ils ont des arguments. La plupart viennent d'être exposés. Mais il y a un autre, au moins aussi convaincant que les précédents: celui du mode de scrutin dans lequel les abstentionnistes voient la preuve sinon du mépris de l'électeur-citoyen (quoique beaucoup aillent jusque là), au moins du peu d'intérêt que les partis et les principaux candidats eux-mêmes attachent à son opinion puisque tout est fait pour que le résultat soit joué d'avance. Les partis et les candidats qui participent à la consultation sont complices de ce détournement de la démocratie.
Le scrutin de liste à un tour se déroulera dans de curieuses circonscriptions régionales découpées pour la circonstance. Sur les listes des partis de premier plan, des candidats inconnus, parachutés ou placardisés seront "en position éligible", sous-entendu: élus (on ne saurait mieux dire à l'électeur que son vote n'a aucune importance). Sur ces mêmes listes on a complété avec des candidats "en position non-éligible" (pourquoi se déplacer?). Le vote ne concernera vraiment qu'un tout petit nombre de "seconds couteaux", donc, de l'avis même des partis, des personnalités aux qualités moindres (soyons gentils) que ceux qui les précèdent.
Pour les soixante-douze sièges à pourvoir, il y a pléthore de listes. Même les têtes des listes des petites formations n'ont aucune chance d'étre élues. Et la probabilité est forte que les petits partis ne soient pas représentés du tout. Là encore on signifie clairement que seuls les candidats des partis institutionnels ont une chance d'obtenir un siège. Inutile aux partisans des autres formations de faire l'effort de mettre un bulletin dans l'urne. Autant le mettre tout de suite à la corbeille. Tout est fait pour que ça se passe entre gens du même monde.
La campagne est indigente et tardive, très tardive. On entend les mêmes discours qui, une fois décryptés, ne sont le plus souvent que des resucées de mots d'ordres nationaux. Certains candidats font quand même l'effort de mettre "européen" à la place de "français" mais sans véritable conviction. Pour le reste, des coups poussivement médiatiques, des drapeaux européens, des banderoles, des ballons, des T-shirts de couleurs variées (à porter sur la chemise), de bains dans le lac d'Annecy (pauvre Morin!), des après-midi champêtres ou des meetings de soutien à tous les grévistes (on a l'embarras du choix!). Et puis les éternelles phrases creuses qui ne mangent pas de pain.
L'abstention est donc le "vote utile".
C'est celui qui peut manifeste clairement que le citoyen veut avoir son mot à dire sur la construction européenne, sur son gouvernement et sa gestion. En refusant de participer à cette élection, il peut exiger que l'on organise une véritable consultation, qu'y soit posées de vraies questions et que les candidats y prennent de vrais engagements. Sur combien des sujets dont les politiques se glorifient, le citoyen a-t-il été consulté jusqu'à présent? Quant à ceux sur lesquels il s'est prononcé (le projet de traité constitutionnel en est l'exemple le plus connu), combien ont été menés à bien en tenant compte de son avis?
L'abstention et après?
Ne nous leurrons pas. Au soir des élections, les résultats afficheront les pourcentages obtenus par les différents partis qui se partageront le gâteau des 100% des suffrages exprimés et viendront crier victoire. Les blancs et les nuls seront cités pour mémoire. Le taux d'abstention sera le seul indicateur intéressant. Plus de cinquante pour cent? Près de soixante? Quelle représentativité aura un parti qui aura obtenu le "bon" score de vingt-cinq pour cent de cinquante pour cent soit douze et demi pour cent des inscrits?
On peut rêver. Oui, on peut rêver qu'un mouvement, un parti, une coordination se lève ou se crée pour exiger que soit pris en compte le message transmis par les abstentionnistes et que le monde politique tire les leçons de cette élection. Ce serait une première mais il faut bien commencer un jour.