La loi Besson qu'on désigne aussi sous le nom de "loi sur l'immigration" arrive aujourd'hui en discussion à l'Assemblée Nationale.
Parmi ses dispositions, la plus discutée est celle qui prévoit la déchéance de nationalité française pour les naturalisés depuis moins de dix ans qui se seront rendus coupables de certains crimes majeurs. A ceux qui sont déjà inclus dans les lois antérieures (espionnage, terrorisme etc), elle ajoute l'homicide commis sur des dépositaires de l'autorité publique.
Eh bien! Je l'avoue: ça fait peur.
Non pas que j'y voie des relents de xénophobie électoraliste ou de nationalisme frileux (ce qui est sans doute le cas) mais parce qu'elle est absurde, ce qui donne un piètre image des capacités intellectuelles de ceux qui l'ont concoctée et même -ce qui est un comble!- de bon nombre de ceux qui la critiquent.
C'est être gouverné par des imbéciles qui me fait peur.
Cette loi pose plusieurs problèmes et n'en résout aucun. Trois exemples seulement:
- Le mobile que l'on présuppose comme "anti-français" comme si, quand on est "issu de l'immigration", tuer un gendarme au cours d'un hold-up pour éviter d'être rattrapé était moins "français" ou plus "anti-français" que tuer le caissier de la banque que l'on vient de dévaliser ou tuer un gendarme parce qu'il est l'amant de votre femme.
Et que dire de gens du voyage qui s'attaquent à une gendarmerie dans le Loir-et-Cher ou de nationalistes qui mitraillent une gendarmerie en Corse? Les premiers revendiquent pourtant leur nationalité française, les seconds veulent qu'on les en débarrasse. S'il y avait eu mort d'homme, la déchéance de nationalité aurait été une sanction pour les uns et la satisfaction d'une revendication pour les autres.
- Le délai, comme si, dix ans après avoir demandé et obtenu la nationalité française, on pouvait se dresser contre l'autorité de l'Etat, tuer un de ses représentants tout en restant un "bon français" sans risque d'être déchu de sa nationalité même si, entre temps, sans en être arrivé à l'assassinat on a accumulé quelques condamnations ou si on s'est engagé dans le djihad et fait un stage dans un camp d'entraînement taliban.
- Le lien que l'on fait entre la nationalité et le respect de la loi d'où l'on conclut à une incompatibilité entre nationalité française et délinquance (comme s'il n'y avait pas de Français "de souche" en prison!). La délinquance est une transgression de la loi, non pas une hostilité contre le pays dans lequel elle s'applique.
Mais la question fondamentale est celle de la nationalité. Question à laquelle le débat sur l'identité nationale ("Pour vous qu'est-ce qu'être français?") n'a pas vraiment apporté de réponse.
Pourtant que faut-il pour être français, (ou suisse, ou chinois ou monégasque etc)? Deux conditions:
- A LA FOIS se reconnaître soi-même comme français (ou suisse, ou chinois ou monégasque etc)
- ET être reconnu comme tel par les Français (ou les Suisses ou les Chinois ou les Monégasques etc).
Cela n'a aucun rapport avec les délits ou les crimes que l'on peut commettre et la date à laquelle on les commet.
La déchéance de nationalité ne peut, à mon sens, être prononcée que contre ceux (français de souche ou naturalisés) dont le comportement est un acte dirigé contre le pays dont ils ont la nationalité (intelligence avec l'ennemi pour ne citer que cet exemple) ou comme un refus revendiqué d'adopter ses valeurs ou d'obéir à ses lois (ce qui n'est pas la même chose que de les transgresser).
Mais, comme on le sait, le débat qui s'engage à propos de cette loi ne porte pas tant sur la définition de la nationalité que sur les arguments de la prochaine élection présidentielle.