Avec la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière (avec en prime -c'est marqué sur le papier- contre le virus AH1N1) la sécu s'obstine à creuser son trou et même à en élargir ses bords. Vous me direz: "Ça crée des emplois dans les bureaux" mais ça fait aussi suer le pauvre monde, sans parler des aller-retour et du carburant brûlé pour les effectuer, aller-retour que la procédure impose aux heureux (!) bénéficiaires du vaccin gratuit: ceux que rattrape implacablement l'âge limite du départ en retraite et ceux qui ont une santé défaillante.
Que je vous explique: la santé ça va à peu près, je vous remercie, c'est mon grand âge me donne droit à une vaccination gratuite. Je reçois donc un papier qui m'explique ce que je dois faire:
1 - Aller voir le toubib (quinze bornes à l'aller et autant au retour) qui me prescrira
a) le vaccin
b) l'injection par une infirmière
et remplira la partie de l'imprimé qui le concerne.
2 - Me pointer à la pharmacie (pas vraiment à côté allez hop! en voiture!) pour retirer le vaccin (là aussi, le pharmacien a des cases à remplir et à tamponner) et vite rentrer chez moi pour le mettre au frigo (le vaccin, pas le pharmacien! suivez un peu, que diable! sinon on ne s'en sortira pas).
3 - Prendre rendez-vous avec l'infirmière dont le cabinet est voisin de celui du médecin mais qui, à l'heure des consultations, parcourt la campagne pour ses soins à domicile.
4 - Tomber du lit pour être à huit heures pétantes chez l'infirmière (après, elle s'en va), me faire injecter ma dose. J'oubliais: encore trente bornes aller retour. L'infirmière tamponne et remplit sa part de l'imprimé et me délivre une feuille de soins que j'adresserai, comme on me le conseille "à l'organisme de sécurité sociale pour remboursement".
ou bien
3bis et 4bis - retourner chez le toubib pour qu'il me fasse la piqûre.
L'an dernier, j'ai reculé devant la tâche et, à l'occasion de mes achats hebdomadaires au bourg voisin, j'ai acheté et payé de mes deniers ma dose de vaccin que je me suis injectée moi-même. J'ai été gagnant. Certes, j'ai payé mon vaccin mais l'économie de temps et de carburant compensait largement la dépense.
J'aurais pu faire plus simple: appeler le médecin pour qu'il vienne chez moi me prescrire le vaccin et l'infirmière pour qu'elle vienne me l'injecter. C'est plus cher mais, au ministère du trou de la sécu, on s'en fout. Hélas! Problème que les bureaucrates n'ont pas prévu: le pharmacien ne livre pas à domicile. Il aurait fallu que je m'arrange avec un voisin ou avec le boucher qui passe une fois par semaine pour qu'il mette ma dose de vaccin dans son camion frigorifique entre deux escalopes.
Alors j'ai décidé de contourner le problème. Après avoir fait mes achats au marché, je suis passé chez le potard (c'est une potarde, assez gironde, ma foi) avec mon imprimé. Première réaction de la dame: "Il faut que vous passiez chez le médecin d'abord".
Alors, je lui ai raconté à haute et intelligible voix et accompagné de quelques ricanements, ce que je viens de vous exposer. Les autres clients et la potarde (elle a les yeux bleus, je ne vous l'ai pas dit) ont commencé à rigoler. Il faut dire que je ponctuais mon exposé de quelques incises:
"On est vraiment gouvernés par des cons" (murmures d'approbation dans le public; j'ai même entendu un "C'est bien vrai, ça" Une réincarnation de la Mère Denis?).
"Ça crée des emplois" (ça je vous l'ai dit plus haut) (hochements entendus de l'assistance)
"Pendant ce temps-là, au moins, ils ne sont pas au bistrot ...... quoique, quelquefois on se demande ..." (sourires dans la foule).
Résultat: la dame aux yeux bleus m'a donné mon vaccin en rigolant. Je passerai voir le médecin qui me fera l'injection après avoir renouvelé mon ordonnance de Perlin-pimpine et, après le prochain marché, je rapporterai le sacro-saint imprimé à la pharmacie. Je l'ai remerciée sincèrement en ajoutant que cela prouvait bien que si on voulait bien refuser de temps en temps d'être bête et discipliné, la vie serait plus facile.
Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai quitté la pharmacie sous les ovations de la foule mais je crois bien qu'il s'en est fallu de peu.