Et pourquoi insisté-je? Parce que le gouvernement continue son bourrage de crâne. Et ses opposants aussi. Ils apparaissent tous intellectuellement incapables d'adopter sur la question des retraites un point de vue différent. En effet, les uns comme les autres partent de ce postulat, rappelé hier encore par Philippe Daubresse, qui est ou qui croit être ministre de la Jeunesse et des Solidarités actives: "Il faut travailler plus car nous allons vivre plus longtemps".
Nous? Qui ça "nous"?
Nous! Nous qui ne sommes pas des être vivants, des individus, des citoyens mais des objets statistiques manipulés par des comptables.
A la possibilité que, mauvais Français que nous sommes, nous dépassions les soixante-quinze ans et que donc, en quittant le boulot à soixante ans, nous profitions de quinze ans de retraite ("profiter", c'est vite dit: les statistiques -toujours elles!- fixent à soixante-cinq ans la limite de la vie "en bonne santé"),
nos chefs (de droite comme de gauche), veulent nous imposer la certitude de travailler au moins deux ans de plus, ce qui, entre nous, ne risque pas d'allonger notre espérance de vie.
C'est un marché de dupes. Ceux qui nous forcent à l'accepter sont des escrocs.
Et ceux qui dépasseront de justesse cette nouvelle "borne d'âge" et qui crèveront à soixante quatre ans (ce n'est qu'un exemple)? Et qui n'auront joui que de deux ans de paix, loin des chefs, des horaires à respecter et des objectifs à tenir? Et ceux qui mourront avant de voir la fin de leur carrière comme certains de mes amis?
L'allongement de l'espérance de vie est un progrès indiscutable pour ceux qui vivent à notre époque. Mais ce ne doit pas être un argument utilisé contre ceux qui arrivent à l'âge où les années les plus dures sont les dernières. Ceux qui utilisent cet argument se déconsidèrent à mes yeux.
Ils traitent les êtres humains comme ils ont traité les centrales nucléaires: en prolongeant d'un trait de plume leur durée d'activité.
Les gens ne sont pas des machines.
PS: Nous avons un ministre de la Jeunesse et des solidarités actives! Ce titre grotesque (pourquoi pas un ministre de la maturité et des libertés anti-dérapantes?) me fait penser au "ministère des démarches ridicules" inventé par les Monty Python. Pour ne pas vous énerver, je n'ai pas mis la photo du bonhomme pour illustrer cet article. Disons qu'il a un visage qui ne respire ni la jeunesse, ni la solidarité, ni même l'activité.