"Un millionnaire condamné à dix ans de prison pour escroquerie", nous dit la presse (une source parmi beaucoup d'autres") comme pour nous suggérer que la loi est la même pour tous (presse de droite) ou que -fait exceptionnel dans ce monde gouverné par la finance- on a enfin réussi à en poisser un (presse de gauche).
Ce qui dans les deux cas fait un beau titre.
Ce n'est qu'en lisant l'article que l'on apprend qu'on n'a pas condamné un millionnaire qui s'est lancé dans l'escroquerie mais un escroc qui est devenu millionnaire (soixante millions d'euros de butin quand même!) en exploitant la crédulité des gogos.
Tout ça ne serait qu'un banal fait divers si ses victimes n'étaient des organisations ou des pays dirigés par des gens intelligents, instruits et experts dans leurs divers domaines. Un peu comme les victimes des avions renifleurs.
Un certain John McCormick a donc "inventé" un appareil très simple et maniable permettant de détecter des explosifs (mais aussi de l'or, de l'ivoire, de la drogue et même des billets de banque!) à plusieurs kilomètres de distance dans l'air, un kilomètre sous terre et trente-et-un mètres sous l'eau (seulement !).
Le tout avec une simplicité d'utilisation désarçonnante. Il suffisait de mettre un petit morceau du type d'explosif ou du matériau à détecter dans une jarre en verre; placer un petit autocollant dedans, pour qu'il en absorbe les vapeurs ; coller l'autocollant sur une carte en plastique à glisser dans l'appareil; et voilà, c'était prêt ! Ne restait plus qu'aux agents de sécurité à se promener, boîtier en main pour déjouer aisément toute tentative d'assassinat ou de contrebande.
Plus simple, c'était impossible: une antenne de quelques centimètres et un boitier en forme de poignée de pistolet. Dedans, ni pile pour les faire fonctionner ni aucun principe actif. L'antenne n'était reliée à rien. La prétendue carte électronique qu'il fallait glisser dans l'appareil n'était qu'un petit circuit imprimé similaire aux alarmes antivols utilisées dans les magasins.
Et ça a marché! Des gens couverts de diplômes et souvent aussi de galons ont acheté très cher son appareil miracle: l'armée irakienne (gâce à quelques pot-de-vin, dit-on), la Belgique, l'ONU pour les casque bleus du Liban, le Niger, la Georgie, l'Algérie, la police kenyane, l'armée égyptienne, les garde-frontières thaïlandais, l'Arabie saoudite etc. L'un d'eux a même été utilisé dans les années 90 pour passer au crible un hôtel en Roumanie avant la visite d'un président américain (qui l'a échappée belle).
On peut rire de l'astuce de ce bonhomme, on peut envier son culot et admirer ses spots publicitaires.
Mais quand on pense que ceux à qui il a vendu son gadget sont des hommes de pouvoir dans leurs pays et qu'ils ont été soit bernés soit corrompus, on rigole moins.