Pourtant, ils avaient bien préparé leur coup. Ayant tout prévu, tout analysé, ils croyaient jouer sur du velours et gagner sur les deux tableaux, à Marseille comme à Brignoles.
Conseillers politiques de la droite comme de la gauche, les Pieds Nickelés, pas découragés par leurs échecs à répétition et jouissant toujours de la confiance de leurs poulains, il s'étaient attelés à faire de ce dimanche d'élections un succès pour la majorité comme pour l'opposition.
Un succès qui rétablirait dans l'opinion le PS et l'UMP dans leur statut de "partis de gouvernement" incontournables.
Le choix de la date était leur idée de génie: mettre deux scrutins le même jour multiplierait par deux le prévisible retentissement médiatique des inévitables succès.
Marseille ne devait pas poser de problème. Une victoire assurée, proclamait Croquignol. De plus, renchérissait Ribouldingue, cela redorait le blason démocratique du PS qui (pour une fois) laissait la parole au (petit) peuple de gauche. Enfin, disait Filochard, une primaire ayant pour but de désigner un candidat ne pouvait que couronner un socialiste et accréditer dans l'inconscient des électeurs que la partie était déjà jouée.
Conclusion: une victoire socialiste proclamée à sons de trompe par les médias.
Pour Brignoles, c'était à peine plus difficile. Partant du principe que le FN avait fait le plein de ses voix au premier tour (analyse de Croquignol), que les abstentionnistes viendraient rectifier le tir au second tour (affirmation de Ribouldingue) et que le "Front républicain" restait un argument inusable et non pas la bouée submersible à laquelle se raccrochaient ceux qui perdaient pied (conviction de Filochard), nos trois amis avaient fait leurs calculs, prévu et même garanti que, du PC à l'UMP, le rassemblement "citoyen" fonctionnerait encore une fois.
Las! En fait de démocratie, la primaire de Marseille ressemble en plus petit au congrès de Reims qui vit se déchirer Martine Aubry et Ségolène Royal. Accusation de la part de la candidate officielle de fraudes, de clientélisme, d'achat de vote, d'intimidation. Premier tour emporté par une sénatrice un peu trop représentative des quartiers nord (mauvais pour l'image de la ville, ça) et obligation pour les instances parisiennes d'intervenir en souhaitant fortement la victoire de celui qui est arrivé second.
Las! (bis) A Brignoles, c'est le candidat FN qui l'a emporté et très confortablement en plus. Les abstentionnistes ont voté en confirmant et même en amplifiant les résultats du premier tour et le front républicain s'est débandé.
Pauvres Pieds Nickelés! Ils en sont réduits à distribuer des "éléments de langage" aux journalistes, prompts à ricaner quand ils pensent que les beurreurs de tartine risquent de manquer de matière première.
Mais c'est promis: la prochaine fois, ils réussiront.