On a le droit (nous sommes, paraît-il, en démocratie) d'être critique à propos du barrage de Sivens. Son utilité publique est contestable et, s'il est construit, il profitera à une poignée d'agriculteurs (dont on ignore encore le nombre, les chiffres variant entre une vingtaine et plus de quatre vingts) qui veulent cultiver du maïs dans un endroit qui n'est pas fait pour ça et qui, comme le dit l'auteur de ce blog, "vendraient leur mère pour un verre d'eau" afin d'irriguer leur pognon.
Les "Jeunes agriculteurs" (jeunes jusqu'à quand?) soutiennent le projet, la "Confédération paysanne" est contre. Les écologistes défendent une zone naturelle. Le président PS du conseil général (les élus aiment bien les "grands travaux") a fait voter le projet, les contribuables sont plus réservés.
Agriculteurs contre paysans, écolos contre aménageurs, élus contre citoyens, qui a raison? Et en quoi la mort d'un jeune manifestant permet-elle de juger de la réelle utilité du barrage?
Utilisant leur droit à manifester, des opposants à ce barrage se sont réunis sur le chantier. Ils entendaient faire de leur manifestation une action pacifique.
On commence à le savoir, une manifestation de ce genre entraîne obligatoirement la présence préventive de forces de l'ordre mais aussi attire ceux que l'on a pris l'habitude d'appeler des "casseurs", des militants de groupuscules anarchistes violents qui, en affrontant les forces de l'ordre, cherchent dans une manifestation de ce genre l'occasion d'enclencher un cycle provocation-répression pour faire basculer de leur côté la majorité non-violente et se donner le prétexte à de nouvelles manifestations "contre la police".
Alors, comment la gendarmerie et son commandement n'ont-ils pas estimé les risques? Pourquoi ont-ils envoyé de si faibles effectifs qui, au lieu du maintien de l'ordre en ont été réduits à livrer une bataille, d'abord pour dissuader leurs agresseurs ensuite pour se défendre? Les videos qui circulent sur le net le montrent bien. Les gendarmes répliquent à des cocktails Molotov par des grenades d'abord lacrymogènes ensuite offensives. Ceux qui sont assez vieux pour avoir été -comme on disait-, "sous les drapeaux" ont pu expérimenter l'effet de ces engins qu'on aurait bien du mal à confondre avec des confettis.
Les fautes sont multiples qui ont abouti à la mort de Rémi Fraisse et à son indécente exploitation politique de l'extrême droite à l'extrême-gauche.
Celle du commandement des forces de l'ordre qui, je l'ai dit, n'a pas su évaluer la situation pourtant évidente et les risques que faisait courir la présence des groupes violents au milieu d'un rassemblement pacifique.
Celle de ceux qui ont élaboré une doctrine du maintien de l'ordre qui envisage un affrontement proche de la guerilla comme un processus normal alors qu'il ne devrait être qu'exceptionnel et n'être que la conséquence d'une mauvaise estimation ou de mauvais renseignements.
Celle de ceux qui ont autorisé la fourniture et l'usage de ces grenades qui sont des matériels de guerre.
Et outre les fautes, il y a les crimes ou au moins les graves délits.
Ceux qui ont voulu au profit de leur idéologie, détourner une manifestation contre un projet local d'aménagement en bataille contre le système.
Ceux qui ont avec préméditation et en préparant du matériel dangereux projeté d'attaquer les gendarmes avec l'intention de blesser sinon de tuer.
Ceux qui ont risqué (ou projeté) de faire blesser et de faire tuer, en se mêlant à eux, des manifestants pacifiques.
Ceux qui ont délibérément cherché la bavure et espéré pouvoir revendiquer un martyr de la répression.
Ceux qui ont réussi à faire tout ça.
Et puis il y a ceux qui exploitent sans vergogne la mort d'un jeune homme dont on ne sait encore s'ils faisait partie des violents ou des pacifiques.
Ceux qui sont contents (même s'ils disent le contraire) d'avoir trouvé l'occasion de crier à la répression policière.
Ceux qui utilisent cette mort comme une argument contre la construction du barrage.
Ceux qui en profitent pour mettre dans le même sac, les défenseurs de l'environnement et les Mamère-Duflot.
Ceux qui font semblant de confondre gauche et gauchisme, Verts et écologistes, manifestants et anarchistes.
Ceux qui comparent la mort de Rémi Fraisse avec celle de Malik Oussekine, non pas pour la déplorer (ou sinon du bout des lèvres) mais pour souligner que si la droite était au pouvoir, la gauche se ferait entendre beauoup plus fort.
Et tous ceux que j'ai oubliés. Qu'ils me pardonnent de ne pas les citer. J'espère que je les ai quand même énervés.
Voilà.